L’idée d’avoir un bébé dans ce contexte particulier, marqué par la propagation de la pandémie de Covid-19, peut effrayer les jeunes Tunisiens et les décourager de procréer à l’heure où ce choix reste encore mal compris et mal accepté par notre société.
Dans un contexte marqué par le chômage, la précarité de masse, le ralentissement économique, la crise sanitaire sans précédent et par l’absence de perspectives pour l’avenir, il ne semble pas facile de parler du désir d’enfant, ou plus généralement du « projet bébé » pour un jeune couple qui peine à démarrer dans la vie active et à trouver sa place dans une société très codée.
Mais d’autres raisons se cachent derrière ce choix qui reste tabou : pas de moyens, peur de la responsabilité, la volonté de rester libre…
Raisons physique et…émotionnelle
Sarra, une jeune célibataire de 34 ans, ne s’imagine pas enceinte, compte tenu des effets négatifs de la grossesse sur sa santé. Pour expliquer l’absence de désir d’enfant, cette jeune employée a invoqué des raisons liées notamment à son âge et à sa santé.
« Les risques de complication restent élevés pour les femmes âgées de plus de 35 ans. Dans mon cas, il existe plus de risques de développer certains problèmes de santé pendant la grossesse, comme le diabète ou l’hypertension artérielle. On peut aussi noter les douleurs musculo-squelettiques en lien avec les soins aux enfants. D’autres facteurs psychologiques tels que le manque de loisir ou l’épuisement parental renforcent aussi ces maux. A toutes ces raisons, s’ajoute la crise sanitaire liée au Coronavirus qui va augmenter davantage ce risque », explique-t-elle.
Elle ajoute que dès le début, elle a choisi de ne pas avoir d’enfant. Pour elle, le désir d’enfant n’est pas universel et elle assume ce choix. « A nos jours, je ne connais pas ce désir physique d’enfanter et je ne nourris pas le projet d’être mère. Peut-être que je regretterai cette décision dans 10 ou 20 ans.
Mais pour l’instant, je préfère me consacrer à ma carrière, prendre mon destin en main et travailler…
Pour moi, c’est un enfer d’élever un enfant en travaillant. J’aime les enfants, ceux de mes amis ou mon neveu, et je n’ai pas de problème de contact, bien au contraire…
Mais avoir un enfant ou non reste un choix que chaque individu fait de son plein gré», souligne-t-elle.
Pression sociale
Amal, une femme divorcée âgée de 42 ans, affirme qu’elle a pris cette décision ‘’courageuse’’ et ‘’douloureuse’’ après avoir vécu une mauvaise expérience après la faillite de son deuxième mariage.
« Outre le regard que porte la société sur la femme divorcée qui ne l’aide pas à remonter la pente, il ne faut pas non plus sous-estimer la pression sociale qui peut également brouiller la question d’avoir un enfant.
On me demande sans arrêt de me justifier ; tu ne te seras jamais accomplie, tu ne sais pas ce que tu perds, tu passes à côté de la vie, tu ne seras jamais une Femme avec un grand F… On m’a dit toutes ces choses parce que j’ai choisi de ne pas avoir d’enfants. Même ma famille proche ou mes amis, ils n’hésitent pas à s’immiscer dans l’intimité des gens», regrette-t-elle.
Elle ajoute qu’elle est dans une tranche d’âge sensible, près de la ménopause et malgré cela, elle n’échappe pas à cette fameuse pression sociale. « Je ne serai peut-être jamais mère mais je suis une tante et cela me donne un autre élément de preuve que ne pas avoir d’enfant ne signifie pas ne pas être entourée d’enfants», souligne-t-elle.
Un « projet bébé »
Mediha et Sadek, deux jeunes mariés depuis 3 ans, indiquent qu’ils sont prêts à avoir un enfant mais ils n’ont pas les moyens et ont peur des responsabilités.
« Quoi qu’il en soit, le désir d’enfant, ou le désir d’être parent, est différent chez chaque femme, ou homme. Le manque de maturité, la peur de ne pas être à la hauteur des responsabilités qu’implique le fait d’être parent…
C’est une responsabilité immense que je n’assume pas et ce n’est pas quelque chose qui se prend à la légère. Pour moi, la maternité est une affaire de tendresse et de sensibilité, de fatigue…et surtout de sacrifice », affirme Mediha.
Pour sa part, Sadek précise que le contexte social, économique et politique que traverse le pays et la propagation de la crise sanitaire sont d’autant plus de critères dissuasifs. « J’ai passé 4 ans au chômage à la recherche d’un emploi stable. Après trois ans de mariage, je continue toujours à payer mes deux dettes; la première pour le mariage et la seconde pour la voiture. Il me reste maintenant à acheter une maison, qui reste un objectif à moyen terme vu nos capacités de paiement…Dans ce contexte non rassurant, il n’y a aucun bel avenir pour un enfant. J’ajoute à cela qu’avoir un bébé est un projet coûteux. On a besoin au moins de 5 mille dinars pour préparer l’arrivée de bébé. Viennent ensuite les charges liées aux vaccins, à sa nourriture…à l’heure où nous vivons au jour le jour. Avec un salaire insuffisant, je suis à découvert tous les mois, et je ne sais plus quoi faire. Pour toutes ces raisons et autres, nous avons pris la décision de reporter cette affaire. Ma femme est d’accord sur le sujet… Mais avec l’amélioration de notre situation financière, tout sera possible », explique-t-il.